L’évolution de l’économie tertiaire en France depuis 1970

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Depuis 1970, l'économie tertiaire en France a connu une évolution significative. Les chocs pétroliers, la désindustrialisation et l'essor des services ont marqué cette période. Cet article retrace les grandes étapes de cette transformation qui a façonné le paysage économique français actuel, avec le secteur tertiaire représentant aujourd'hui près de 80% du PIB.
📊 Chiffre cléEn 2022, le secteur tertiaire représentait 79,1% du PIB français, confirmant la tertiarisation de l'économie entamée dans la seconde moitié du 20e siècle.

Les débuts de la tertiarisation de l'économie

Depuis les années 1970, l'économie française connaît une profonde mutation, marquée par le déclin des secteurs traditionnels comme l'agriculture et l'industrie, et l'essor des services. Cette tertiarisation de l'économie s'inscrit dans un contexte de changements technologiques et sociétaux majeurs.

Le déclin de l'agriculture et de l'industrie

En 1970, l'agriculture employait encore une part significative de la population active française, mais ce secteur a connu un déclin rapide au cours des décennies suivantes. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution :
  • La mécanisation croissante des exploitations agricoles, avec l'utilisation de machines plus performantes et l'adoption de nouvelles techniques comme les pesticides et les engrais chimiques
  • La concurrence internationale accrue, dans un contexte de mondialisation des échanges
  • L'exode rural et l'attrait des emplois urbains, notamment dans les services
Ainsi, la part de l'agriculture dans l'emploi total est passée de près de 40% en 1913 à moins de 5% aujourd'hui en 2024. Cela a entraîné une forte urbanisation du pays, avec une concentration croissante des activités et des populations dans les grandes villes. Le secteur industriel a également été touché par cette évolution. Les chocs pétroliers des années 1970 ont mis en lumière la dépendance de l'industrie française aux énergies fossiles et la nécessité d'une adaptation. Parallèlement, la concurrence des pays émergents à bas coûts de main-d'œuvre a fragilisé de nombreuses branches industrielles traditionnelles.

L'essor des services et la tertiarisation de l'économie

Face au déclin relatif de l'agriculture et de l'industrie, le secteur tertiaire a connu une croissance soutenue depuis les années 1970. Plusieurs domaines ont particulièrement contribué à cette dynamique :
  • Les services aux entreprises : conseil, ingénierie, services informatiques, etc.
  • Les services à la personne : santé, action sociale, services à domicile, etc.
  • Le commerce et la distribution, avec l'essor de la grande distribution et du e-commerce
  • Les activités immobilières et financières
Cette tertiarisation s'explique par différents facteurs :
  • L'élévation du niveau de vie, qui a stimulé la demande de services
  • Les évolutions technologiques (informatique, télécommunications...) qui ont permis le développement de nouveaux services
  • L'externalisation par les entreprises industrielles de nombreuses fonctions tertiaires
  • La féminisation du marché du travail, les femmes étant majoritairement employées dans les services
En conséquence, la part des services dans le PIB et l'emploi n'a cessé de progresser. Quelques chiffres permettent d'illustrer cette évolution :
Année Part de l'emploi tertiaire (%)
1970 52
1990 68
2020 79
Aujourd'hui, près de 8 emplois sur 10 relèvent du secteur tertiaire en France. Cette tertiarisation apparaît comme une tendance de fond, qui devrait se poursuivre à l'avenir avec le développement de l'économie de la connaissance et des services à haute valeur ajoutée. Mais elle soulève aussi des défis, en termes de qualité des emplois, de productivité ou encore de polarisation du marché du travail.
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L'impact des chocs pétroliers des années 1970

L'onde de choc de la crise pétrolière

En octobre 1973, le déclenchement de la guerre du Kippour au Moyen-Orient provoque un premier choc pétrolier d'une ampleur sans précédent. Les pays membres de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) décident de multiplier par quatre le prix du baril de brut. Cette hausse brutale se répercute rapidement sur le coût de l'énergie et des transports, engendrant une inflation généralisée. Les conséquences sur l'économie française sont immédiates : le taux d'inflation bondit à 13,7% en 1974, contre seulement 7,3% l'année précédente. Parallèlement, le chômage commence à augmenter, passant de 2,6% en 1973 à 4% en 1975. De nombreuses entreprises, notamment dans l'industrie, se retrouvent en difficulté face à l'explosion de leurs coûts de production.

Le second choc pétrolier de 1979

Alors que l'économie française commençait tout juste à se remettre du premier choc pétrolier, un second vient la frapper de plein fouet en 1979. Cette fois-ci, c'est la Révolution iranienne qui est à l'origine de l'envolée des cours du pétrole. Entre 1978 et 1981, le prix du baril est multiplié par 2,7, atteignant un pic historique à plus de 40 dollars. Cette nouvelle crise accentue les difficultés des entreprises et accélère la montée du chômage, qui atteint 7,4% en 1981. L'inflation repart également à la hausse, s'établissant à 13,6% en moyenne sur la période 1979-1981.

Une crise monétaire internationale

Les chocs pétroliers s'inscrivent dans un contexte de crise monétaire internationale. En août 1971, le président américain Richard Nixon annonce la fin de la convertibilité du dollar en or, mettant un terme au système monétaire international instauré à Bretton Woods en 1944. Cette décision entraîne une période d'instabilité sur les marchés des changes, chaque pays pouvant désormais faire fluctuer librement sa monnaie.

Le déclin de l'industrie et l'essor du tertiaire

Face à ces bouleversements, l'économie française connaît une mutation structurelle profonde marquée par le déclin de l'industrie et l'essor du secteur tertiaire. Entre 1974 et 1984, l'industrie perd plus d'un million d'emplois, soit près de 20% de ses effectifs. A l'inverse, sur la même période, le tertiaire crée plus de 1,6 million d'emplois. Le commerce et les services prennent une place croissante dans l'économie, compensant en partie les pertes subies par l'industrie :
Secteur d'activité Emploi en 1970 (en milliers) Emploi en 1980 (en milliers) Évolution 1970-1980
Agriculture 3 126 2 175 -30,4%
Industrie 6 690 6 505 -2,8%
Tertiaire 9 679 11 884 +22,8%
Total 19 495 20 564 +5,5%
Ainsi, alors qu'en 1970 le tertiaire représentait moins de 50% de l'emploi total en France, il en constitue près de 58% dès 1980. Cette tertiarisation de l'économie apparaît comme une conséquence directe des chocs pétroliers, qui ont accéléré le déclin d'une industrie énergivore et favorisé le développement des services.
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Reconversion et délocalisation industrielle

La crise économique des années 1970 a lourdement impacté l'industrie française, entraînant des mutations profondes dans le paysage économique du pays. Face aux difficultés, les entreprises ont dû s'adapter et trouver de nouvelles stratégies pour rester compétitives. Cette période a vu l'émergence de deux phénomènes majeurs : les reconversions et les délocalisations industrielles.

Les industries traditionnelles en crise

Les années 1980 ont été particulièrement difficiles pour les industries traditionnelles françaises comme le textile et la sidérurgie. Ces secteurs, autrefois piliers de l'économie nationale, ont été fortement touchés par la crise économique. Confrontées à une concurrence internationale accrue et à une baisse de la demande, de nombreuses entreprises ont dû fermer leurs portes, entraînant des pertes d'emplois massives. Selon les données de l'INSEE, entre 1980 et 1990, l'emploi dans l'industrie textile a chuté de 32%, passant de 547 000 à 373 000 salariés. Dans la sidérurgie, la baisse a été encore plus brutale avec une perte de 45% des effectifs sur la même période, passant de 157 000 à 86 000 salariés.

Les délocalisations vers les pays à bas coûts

Pour faire face à ces difficultés, de nombreuses entreprises ont choisi de délocaliser leur production vers des pays où la main-d'œuvre est moins chère, notamment en Asie du Sud-Est. Cette stratégie leur a permis de réduire significativement leurs coûts de production et de rester compétitives sur le marché mondial. Entre 1980 et 1990, le nombre d'emplois industriels délocalisés est estimé à environ 500 000, soit près de 10% de l'emploi industriel total en France. Les principales destinations de ces délocalisations ont été :
  • La Chine (25% des délocalisations)
  • Le Maroc (12%)
  • La Tunisie (10%)
  • La Turquie (8%)

L'émergence de nouvelles industries

Parallèlement, la France a misé sur l'innovation et la recherche pour développer de nouvelles industries à forte valeur ajoutée. Des secteurs comme la microélectronique, les biotechnologies ou l'aérospatiale ont ainsi émergé, bénéficiant de soutiens publics importants. Entre 1980 et 1990, les dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD) sont passées de 1,8% à 2,3% du PIB. Cette hausse s'est traduite par la création de nombreux emplois qualifiés dans ces nouvelles industries :
Secteur Emplois créés entre 1980 et 1990
Microélectronique + 35 000
Biotechnologies + 20 000
Aérospatiale + 15 000

Des politiques publiques en soutien aux entreprises

Pour accompagner ces mutations, les gouvernements successifs ont mis en place des politiques de dérégulation et de privatisation visant à alléger les contraintes pesant sur les entreprises. Des mesures fiscales incitatives ont également été adoptées pour encourager l'investissement et la création d'emplois. Malgré ces efforts, le chômage est resté élevé tout au long des années 1980, oscillant entre 8% et 10% de la population active. Les reconversions et les créations d'emplois dans les nouvelles industries n'ont pas suffi à compenser les pertes massives subies dans les secteurs traditionnels.
Reconversion et délocalisation industrielle

L'essor des services dans les années 1990 et 2000

Dans les années 1990 et 2000, le secteur tertiaire connaît un essor considérable en France, portant sa part dans l'emploi total à près de 70% dans les pays développés. Cette tendance de fond s'observe dans toutes les régions françaises, avec des disparités selon les territoires.

Un secteur tertiaire en plein boom

Entre 1989 et 2019, l'emploi dans le tertiaire marchand bondit de 38,4% en région Centre-Val de Loire, passant de 323 800 à 448 000 emplois. Cette croissance est notamment portée par :
  • Le secteur de l'hébergement et de la restauration : +56,4%
  • Les activités scientifiques et techniques, services administratifs et de soutien : +130,2%
  • Les autres activités de services : +95,6%
Au niveau national, la tendance est similaire. Le tertiaire marchand voit ses effectifs croître de 49,9% sur la période, tiré par le dynamisme des services aux entreprises et aux particuliers. Le poids du secteur tertiaire dans l'économie française ne cesse de s'affirmer, représentant 75,3% de l'emploi total en 2019 contre 56,2% en 1989.

Les nouveaux moteurs de l'économie tertiaire

Le secteur financier

Dans les années 1990, le secteur financier connaît un fort développement en France. Entre 1989 et 2019, l'emploi dans les activités financières et d'assurance progresse de 20,1% en Centre-Val de Loire. Ce secteur bénéficie de la dérèglementation des marchés financiers et du développement de nouveaux produits et services (banque en ligne, produits d'épargne...).

Le numérique et les industries de pointe

L'essor d'Internet et des technologies numériques dans les années 2000 propulse de nouveaux pans de l'économie tertiaire. En Centre-Val de Loire, l'emploi dans le secteur de l'information et de la communication augmente de 9,9% entre 1989 et 2019. Certaines activités de pointe comme l'industrie pharmaceutique (+6% d'emplois en 2020 au niveau national) tirent aussi leur épingle du jeu. La tertiarisation de l'économie s'appuie donc sur des secteurs en forte croissance, compensant le déclin de l'industrie traditionnelle. Elle s'accompagne d'une hausse des qualifications et d'une féminisation de l'emploi, les femmes étant surreprésentées dans les métiers du tertiaire.
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Les effets récents et la crise sanitaire de 2020

Après une période de forte croissance du secteur tertiaire dans les années 1990 et 2000, l'économie française a dû faire face à une crise sanitaire sans précédent en 2020. Cette crise a imposé un coup d'arrêt brutal à de nombreux secteurs économiques, mettant à l'épreuve la résilience de l'économie tertiaire.

Un secteur tertiaire résilient face à la crise

Malgré les difficultés rencontrées, le secteur tertiaire a fait preuve d'une certaine résilience durant la crise sanitaire de 2020. En effet, les services numériques et financiers ont continué à fonctionner, s'adaptant rapidement au contexte particulier imposé par la pandémie. Le recours massif au télétravail et à la digitalisation des processus a permis de maintenir une activité significative dans ces domaines. Par ailleurs, les mesures de soutien mises en place par le gouvernement, telles que le chômage partiel, ont contribué à stabiliser l'emploi dans le secteur tertiaire. Selon les données de l'INSEE, le taux de chômage en France s'établissait à 8,0% au quatrième trimestre 2020, soit une hausse modérée de 0,4 point par rapport à la même période de l'année précédente.

De nouvelles formes d'emploi émergent

L'essor du micro-entrepreneuriat

La crise sanitaire a également accéléré le développement de nouvelles formes d'emploi, notamment le statut de micro-entrepreneur. En effet, face aux incertitudes économiques, de nombreux travailleurs ont opté pour ce régime simplifié, leur permettant de créer leur propre activité tout en bénéficiant d'une protection sociale. Selon les chiffres de l'ACOSS, le nombre de micro-entrepreneurs actifs a augmenté de 17,4% en 2020 par rapport à 2019, atteignant près de 1,5 million d'individus.

L'uberisation des services

Un autre phénomène marquant de ces dernières années est l'uberisation croissante des services. Ce modèle économique, basé sur la mise en relation directe entre clients et prestataires via des plateformes numériques, s'est fortement développé dans des secteurs tels que le transport (Uber), la livraison (Deliveroo) ou encore les services à la personne. Si cette tendance soulève des questions en termes de précarité de l'emploi et de protection des travailleurs, elle témoigne néanmoins de la capacité d'adaptation et d'innovation du secteur tertiaire.

Une économie toujours dominée par les services

En dépit des difficultés rencontrées durant la crise sanitaire, l'économie française reste largement dominée par le secteur tertiaire. Selon les dernières données de l'INSEE, les services représentaient 79,1% du PIB en 2022, confirmant ainsi la tendance de tertiarisation amorcée au milieu du XXe siècle.
Secteur d'activité Part dans le PIB en 2022
Services 79,1%
Industrie 13,4%
Construction 5,6%
Agriculture 1,9%
Cette prépondérance du secteur tertiaire dans l'économie française devrait se maintenir dans les années à venir, portée par le développement continu des services numériques, financiers et à la personne. Toutefois, les défis liés à la qualité de l'emploi, à la protection sociale des travailleurs et à la réduction des inégalités devront être relevés pour assurer une croissance durable et inclusive du secteur tertiaire.
Les effets récents et la crise sanitaire de 2020

L'essentiel à retenir sur l'évolution de l'économie tertiaire depuis 1970

L'évolution de l'économie tertiaire en France depuis 1970 a été caractérisée par une croissance constante, malgré les crises économiques. Le secteur des services s'est imposé comme le moteur de l'économie, créant de nombreux emplois. Même si la crise sanitaire de 2020 a freiné cette dynamique, le tertiaire a montré une grande résilience, notamment grâce au numérique. L'avenir devrait confirmer cette tendance, avec de nouveaux défis comme la transition écologique à relever.

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